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Une centrale flottante appelée à grandir


Voici deux ans, le 7 janvier 2021, Romande Energie se voyait remettre un Watt d’Or, le prix de l’énergie de l’OFEN pour son projet de centrale solaire flottante sur le Lac des Toules (VS). D’une simple idée, la centrale est devenue un projet pilote plein d’espoir, laissant augurer d’un potentiel important pour la production électrique hivernale en Suisse.

A 1810 mètres d’altitude sur le lac de barrage des Toules se trouve une installation solaire qui se compose de 2240 m2 de panneaux installés sur 35 structures flottantes et d’une structure supplémentaire dédiée au raccordement. Une installation qui doit résister à un environnement hostile, avec des vents qui peuvent être violents et des températures très basses. La charge de neige peut aussi poser problème et durant la phase d’étude, il a été nécessaire de changer une quinzaine de panneaux. Malgré cela, la production est renforcée par l’effet d’albédo de la neige combiné avec la température basse, permettant d’assurer une excellente production hivernale.

En termes de production, on constate que durant l’ensemble de la période d’exploitation, les modules de l’installation solaire flottante ont produit 29% de plus, en comparaison des modules de référence en plaine. Les comparaisons avec l’installation-pilote qui se trouve au bord du lac permettent de valider et affiner les modèles de simulation.

Nous avons voulu connaître l’évolution du projet depuis la remise du prix, mais aussi le rôle qu’a pu jouer l’obtention d’un Watt d’Or. Andy Kaufmann, resp. de projets énergies renouvelables et Michaël Berset, RP Business dév. Solutions solaires, chez Romande Energie ont bien voulu répondre à nos questions.

Comment le projet a-t-il évolué depuis le Watt d’Or en janvier 2021?
Après le Watt d’Or, il a surtout fallu gérer la nouvelle visibilité et notoriété du projet. Parallèlement, et plus concrètement, depuis la mise en service de l’installation en 2019, diverses mesures et analyses sont menées pour optimiser et améliorer le concept avant la réalisation d’une installation de plus grande envergure.

Le projet pilote est maintenant terminé, quelles sont les conclusions que vous pouvez tirer?
Nous sommes globalement satisfaits de l’installation et de ses résultats. Plusieurs pistes d’amélioration ont été mises en évidence. Le concept actuel de structure flottante n’est pas adapté à la stabilité du terrain existant pour un projet d’envergure pour une longue durée de vie. Un autre point relevé est la complexité du système d’ancrage, en relation avec la hauteur du marnage (variation du niveau du lac dans le temps).

Quels sont les retours de production de la centrale des Toules?
Une première installation pilote, implantée à terre, à proximité du lac, en 2013, avait laissé augurer d’une production majorée de près de 50% par rapport à une installation de plaine, dans des conditions idéales. Depuis sa mise en service, l’installation sur l’eau a produit environ 30% de plus qu’une installation en plaine. Ce résultat est très réjouissant et prometteur, d’autant qu’il inclut une contrainte de production hivernale, au détriment de la production annuelle totale. Nous avons aussi pu mettre en évidence certaines imperfections dans la conception, provoquant des ombrages ou la couverture par des congères. Ces dernières n’avaient pas pu être anticipées, du fait de la différence considérable existant entre la structure fixe pilote et le démonstrateur. Ces apprentissages nous permettent aujourd’hui d’optimiser le design d’un parc de grande envergure. La production pourrait ainsi s’approcher de la majoration annuelle théorique de 50%, ceci sans optimisation hivernale, laquelle diminuerait légèrement ce chiffre annuel, mais permettrait une production supérieure entre octobre et mars.

L’installation a maintenant passé plusieurs hivers sur le lac, est-ce qu’elle supporte bien les rudes climats alpins?
Globalement, l’installation supporte bien les conditions alpines. Le déneigement est assuré par la bonne inclinaison des modules PV et la caractéristique bifaciale, hormis sur les jours de très faible ensoleillement autour du solstice d’hiver. Mais, comme mentionnés précédemment, les effets de déplacements de masses de neige avec le vent (congères) ont été sous-estimés. Ils ont eu pour conséquence le dépassement, à plusieurs reprises, de la capacité prévue de charge de neige des panneaux photovoltaïques, entraînant des dégâts sur plusieurs modules PV.

Comment voyez-vous l’évolution du projet ces prochaines années sur le lac des Toules?
A l’heure qu’il est, nous développons un projet d’extension sur le même lac. Pour ce développement, toutes les expériences résultantes du démonstrateur sont très précieuses. Dans le cadre de la réalisation du projet d’extension, le démonstrateur serait déplacé. Il n’est aujourd’hui pas encore défini s’il reste sur le lac des Toules ou si un autre lac va l’accueillir. Quoi qu’il en soit, nous voulons conserver cette structure afin de continuer à tester diverses technologies dans ces conditions climatiques exigeantes.

Romande Energie pense-t-elle installer d’autres panneaux ailleurs?
La volonté de dupliquer cette technologie sur d’autres lacs, en Suisse comme à l’étranger, est avérée. Nous sommes en discussion avec plusieurs entreprises à ce sujet. En plus de celui du lac des Toules, un second projet est en cours d’étude. Le parc de grande envergure est développé de façon à être indépendant du site, permettant alors une réplication sur d’autres lacs de barrages.

Cela étant, il est tout d’abord nécessaire de valider la conception technique, puis les aspects économiques d’une telle infrastructure. Quand bien même le projet des Toules pourrait s’inscrire dans le cadre de l’initiative solaire (art.71a LEne), la rentabilité n’est à ce stade pas encore garantie sans cette subvention. Des optimisations doivent encore être réalisées. Nous y travaillons très activement, car le potentiel de production théorique de cette technologie est très intéressant, même en ne considérant que des surfaces d’eau artificielles (lacs de barrage notamment).

Le projet a acquis une certaine renommée ces dernières années, est-ce que d’autres entreprises suisses ou étrangères s’intéressent à la technologie?
En effet, la portée de notre projet a suscité de nombreuses sollicitations. Des discussions ont pu être initiées avec plusieurs partenaires potentiels.

Le Watt d’Or obtenu a-t-il été utile pour le développement futur du projet, après le projet pilote?
Le Watt d’Or nous a surtout permis de mesurer l’intérêt d’autres acteurs pour le développement d’une telle technologie. Grâce à cette récompense, nous avons été en mesure d’établir une stratégie de développement et déploiement à long terme.

Pourquoi Romande Energie développe cette technologie avec ces contraintes extrêmes?
Le bénéfice d’une production en altitude est connu, essentiellement grâce à la conjonction des facteurs de température, d’irradiation et de réflexion. La production hivernale y est même particulièrement intéressante. Par ailleurs, installer des centrales d’une certaine puissance permet d’atténuer les coûts fixes inhérents à ce type de projet. Enfin, développer les sites déjà exploités par l’Homme (dits anthropisés), comme les lacs d’accumulation, nous parait préférable aux grandes centrales alpines au sol où l’impact sur la biodiversité n’est à ce jour pas suffisamment étudié. Dans le cas du démonstrateur, les études environnementales réalisées par un bureau spécialisé ont démontré qu’il n’y avait pas eu d’impact sur la faune ni sur la flore. Ceci est principalement dû au fait que le lac soit vidé chaque année pour les raisons d’exploitation du barrage. Enfin, des synergies sont possibles grâce aux infrastructures routières et électriques préexistantes pour les installations hydrauliques.

Les différents rapports du projet soutenus dans sa recherche et pilote sont disponibles ici:
Centrale photovoltaïque flottante de démonstration au lac du barrage des Toules (VS) – Textes (admin.ch)
PValps-Analyse comparative de performance de modules PV alpins après 5 ans

Visitez le site internet du Watt d’Or et si vous avez un projet digne d’intérêt n’hésitez pas à remplir le formulaire de participation d’ici au 16 juillet dernier délais.

Fabien Lüthi, communication Office fédéral de l’énergie
Image: Romande Energie